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Développer l’économie sociale et solidaire - France en commun

Salaire à l'utilité ou à la qualification ?

Comment déterminer un salaire. Doit-on considérer la qualification, l’utilité du poste de travail, un peu des deux ? Fabien Roussel, candidat du parti aux élections présidentielles, fait, parmi d’autres, la proposition de créer un coefficient multiplicatif de 1,5 à 2 pour les salaires des métiers utiles ou les « premiers de corvées » que le COVID a mis en évidence comme indispensable à la vie de tous les citoyens (caissière, aide-soignante, infirmière, livreur, etc.). Il propose ce coefficient pour les métiers socialement utiles. Bien sûr les salaires de ces métiers sont trop bas, mais comme beaucoup d’autres pour pas dire la plupart en dehors d’une extrême minorité. La question n’est donc pas de cibler que ces métiers mais bien de revaloriser les salaires en partant d’une forte augmentation d’un smic qui deviendrait le minima de toutes les grilles de salaires, elle-même ainsi révisées à la hausse. La construction du salaire (du point de vue du salarié) par la qualification Depuis plus d’un siècle les salariés avec la CGT, mais aussi le PCF, se sont battus pour que le salaire soit lié à la qualification. Ceci est la base de la construction de tout le champ revendicatif sur les salaires. C’est ainsi qu’on peut construire des grilles de salaire et permettre des progressions de carrière. C’est ainsi qu’on lie la qualification à la personne et non au poste de travail, ce qui permet, et permettra encore plus à l’avenir espérons-le, de faire qu’un changement d’emploi ne conduise pas à une perte de salaire puisque la qualification de la personne ne diminue pas sous prétexte qu’il doit quitter (volontairement, ou le plus souvent forcé) son emploi. Fondamentalement, il s’agit de prendre le sujet comme suit : • Salaire = construction à partir de la qualification, • Avec un mini = smic (mais un smic à 1800€ ou 2000€), • Des grilles calées sur le SMIC. Déjà comme ça les plus bas salaires seront nettement plus haut. Ensuite si on revoit les qualifications de manière objective, là aussi on aura une hausse de plus pour beaucoup de bas salaires. Car on mettra en évidence que bien des emplois considérés comme faisant appel à peu de qualifications, imposent aux salariés la maîtrise de nombreux aspects niés par l’employeur (exemple d’une hôtesse de caisse : les caisses sont aujourd’hui de véritables ordinateurs qui demandent malgré l’interface Homme/Machine, une maîtrise de ses gestes, une concentration bien supérieure au simple fait de taper des sommes sur un clavier comme dans les temps et ceci s’accompagnant du sens de l’accueil client, de la gestion du client « conflictuel, etc. ; exemple d’une aide-soignante en hôpital ou Ehpad : en plus des compétences classiques, capacité à dialoguer et échanger avec le malade ou la personne âgée et à gérer son état « mental » - au sens stress ou inquiétude – etc.). On voit là avec les qualifications réelles, une possibilité de faire évoluer de manière significative les salaires les plus bas. Pour les autres, qui font appel à moins de qualification, le SMIC revalorisé est là pour traiter le sujet en ajoutant au passage la suppression du temps partiel imposé et les différentes allocations revalorisées (APL, allocations familiales, etc.). Je comprends bien la volonté de F. Roussel de mettre en avant le sujet "bas salaire", il a raison de le faire et d'insister. Mais il faut le faire avec la bonne approche en respectant : • D’une part le combat syndical (et aussi politique) qui a permis une avancée majeure sur la conception du salaire, • Ensuite le caractère objectivable des critères utilisés. La qualification l’est, certes pas toujours facilement, mais l’utilité c’est quoi ? Il ne s’agit pas ici d’anticiper un risque de division lié à une quelconque "jalousie" entre ceux qui ont des qualifications et ceux qui en auraient moins, ni de porter plus fort l'augmentation de tous les salaires pour « compenser ». Il ne faut tout simplement pas sortir d’une approche cohérente, objective et dont tous les salariés peuvent s’emparer et porter. Qu’est-ce qu’un métier utile ou socialement utile ? Tous les métiers ont une utilité sociale. Le salarié à la chaine chez Peugeot a une utilité sociale autant qu’une caissière de Carrefour. Une infirmière n’est ni moins ni plus utile socialement qu’un facteur ou un agent de guichet dans une banque. Quel peut bien un être un critère définissant le socialement utile ? Il y a peut-être, me semble-t-il, deux confusions de faites : • Une entre « métier qui touche à l’humain et utilité sociale », • L’autre entre métier nécessaire/utile déterminé par le choix de société que l’on veut - ce qui non seulement a du sens mais est incontournable (cela renvoi à un choix politique) – et impact sur le salaire. Si on évite les deux confusions citées ci-dessus, il devient probablement impossible de définir un critère. Par exemple, dire qu’un trader n’est pas utile est faux. L’intérêt de ce métier ne peut pas être, comme pour tous les métiers, considéré en dehors de l’objectif assigné à la société. Dans le cadre d’une société néolibérale où c’est la finance qui commande, le métier de trader est non seulement utile mais indispensable. Tout comme celui du mathématicien qui va concevoir des algorithmes des plus sophistiqués pour gérer (et anticiper) les transactions financières qui se font en fraction de microseconde. Sans pour autant que cela justifie des rémunérations astronomiques n’ayant plus aucun sens. Par contre dans une société différente, pensée pour autre chose que l’enrichissement d’une minorité, conçue pour « les jours heureux », là ces métiers deviennent à l’évidence moins utile. Il n’y a donc pas de définition ou de critère d’utilité pour un métier en dehors d’un objectif politique. De ce point de vue, même si on adhère à cet objectif, est-il juste et pertinent de définir le salaire par l’utilité ? Sachant que du coup l’utilité est « extérieure » à la personne, alors que la qualification est portée par l’individu. Poser la question c’est déjà y répondre. Le salaire ne peut être que lié à ce que le salarié sait faire, à sa capacité à réaliser telle ou telle chose, à sa qualification : qualification portée par la personne et non par l’emploi (lui-même plus ou moins considéré « utile » à partir d’un objectif politique). Rompre avec ce fondement de la construction de la revendication salariale, c’est à terme ouvrir une porte où la subjectivité sera encore accentué dans la définition du niveau de salaire dans les entreprises. C’est à terme rendre impossible « la sécurité salariale » permettant de conserver son salaire en cas de changement d’emploi, revendication pourtant portée par la CGT, mais aussi par le PCF. En effet, un salarié passant d’un emploi socialement utile à un autre qui le serait moins, verrait son salaire baisser alors que sa qualification est la même ? Au nom de quoi ? Le « socialement utile » n’a pas vraiment de sens si l’on souhaite faire des différences entre les métiers. En résumé, sous couvert de faire une proposition « marquante » et revalorisante pour certaines professions bien trop mal payées, c’est déconstruire tout un système basé sur un principe simple et objectif, mais pourtant déjà compliqué à défendre face au patronat, la reconnaissance de la qualification propre au travailleur. Le candidat du PCF ne peut donc pas avancer une proposition de ce type qui finalement va à l’encontre de l’intérêt des travailleurs. Alors même que son programme, celui du PCF, est conçu pour l’inverse et qu’il porte de ce point de vue un espoir important de faire avancer les prises de conscience contre une fatalité inculquée de force dans les têtes.

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